Radio Djiido et Studio Mangrove : Deux piliers d'une révolution musicale et politique
NOUMÉA - L'émission spéciale "Djiido 40 ans déjà" a accueilli Alain Lecante, fondateur du Studio Mangrove, pour une discussion sur la relation symbiotique entre la radio et l'industrie musicale calédonienne. L'interview a mis en lumière comment la naissance de ces deux entités, en pleine période de bouleversement politique, a contribué à forger l'identité culturelle du pays, notamment à travers le développement du Kaneka.
Le début d'une ère nouvelle
Alain Lecomte, qui travaillait dans un magasin de disques au moment de la création de Radio Djiido en 1985, a été témoin de l'émergence d'un besoin de musique locale. Alors que le paysage musical était dominé par le folk mélanésien et le rock étranger, il a perçu une opportunité majeure : les artistes locaux manquaient de structures de production de qualité. Cette observation l'a poussé à partir se former en Australie et à fonder Studio Mangrove.
La collaboration entre les deux entités s'est faite naturellement. Alain Lecomte se souvient avec émotion qu'il suffisait d'apporter un nouvel album à Djiido pour l'entendre à l'antenne quelques minutes plus tard. Cette réactivité a été un facteur clé pour rendre populaire la musique locale, en particulier le Kaneka et le reggae, qui émergeaient à l'époque.
Une alliance au service de la création
Pour Alain Lecante, l'alignement entre Radio Djiido et Studio Mangrove était à la fois musical et idéologique. Djiido, en tant que voix libre et engagée, était la seule radio à diffuser des titres porteurs de messages politiques ou sociaux que d'autres stations censuraient. Ce partenariat s'est formalisé à travers des émissions sponsorisées et des jeux, qui ont permis à Mangrove de promouvoir ses productions et aux auditeurs de découvrir les nouveautés.
Lecante a souligné le rôle central du Kaneka dans cette évolution. Au début, cette musique était portée par des musiciens autodidactes. Son aspect brut et frais, sans références sonores préétablies, a forcé le studio à tout inventer en matière de production. C'est ce travail de création unique qui a donné à chaque artiste une identité sonore forte, un trait qui s'est un peu dilué avec le temps, selon lui.
Perspectives d'avenir : la musique calédonienne face au monde
L'interview s'est conclue sur les défis actuels du secteur musical calédonien. Lecante a expliqué que l'ère du streaming a rendu plus difficile l'exportation des artistes à l'international, malgré des succès notables dans la région Pacifique. Il a souligné le rôle essentiel des institutions, comme la SACENC, qui a relancé la motivation des créateurs en leur garantissant une rémunération de leurs œuvres.
Alain Lecomte a invité la radio à rester un acteur central en gardant un contact étroit avec les artistes et en restant à l'écoute de son public. Il a également posé une question pour le jeu de l'émission, demandant aux auditeurs de trouver l'année de la première production du Studio Mangrove.
L'interview a donc mis en évidence un point crucial : Radio Djiido et Studio Mangrove n'ont pas seulement été des entreprises, mais des institutions qui, en 40 ans, ont contribué à documenter, populariser et façonner la mémoire musicale et culturelle de la Nouvelle-Calédonie.