Le Combat d’une Voix : Joseph Ukako, l’âme de Radio Djiido

Nouméa, Nouvelle-Calédonie – Joseph Ukako ne se contente pas de raconter l'histoire de Radio Djiido ; il la vit, la respire et l'incarne. Arrivé en 1985, au cœur des « événements », ce jeune militant est devenu le témoin et l'acteur d'une aventure médiatique hors normes, où les ondes se confondaient avec la lutte pour la dignité.

Un Média Né du Combat

"Joseph UKAKO nous livre ici un témoignage authentique sur l'évolution de Radio Djiido, la voix des Kanak."

Dès les premières heures, Joseph et ses camarades, qu'il qualifie avec fierté d'« accidentés de la vie », ont construit la station non pas avec des fonds, mais avec leurs mains. Installée dans le quartier du port, « Radio Kanaky », comme on l’appelait alors, était le point de ralliement d'une jeunesse soudée, un bastion d'information face à une presse jugée partisane. La radio était leur maison, un refuge contre les menaces et les tirs, et chacun, de l'agent de sécurité à l'animateur, y mettait son cœur. « On ne vivait que de dons », se souvient Joseph, l'œil brillant. Ce bénévolat forcené n'était pas une contrainte, mais une évidence, un acte de foi dans leur projet.

Des Frères aux Platines

Le parcours de Joseph est une illustration de l'esprit des débuts. Initialement chargé de la sécurité, il apprendra par la force des choses à passer derrière les platines pour faire tourner la radio 24h/24. « On surveillait quand la musique s'arrêtait », dit-il, décrivant avec humour comment de simples gardiens sont devenus des animateurs. C’est avec cette même spontanéité que la radio est devenue le véhicule d’une identité et d’une musique : le Kaneka. Radio Djiido a donné aux artistes une plateforme pour chanter leurs espoirs et leurs combats, faisant de la station l'écho d'un peuple.

L’Héritage d’une Lutte

Au fil des décennies, Joseph a vu la radio grandir et se professionnaliser. Il reconnaît que les temps ont changé et que la neutralité journalistique est désormais un impératif. Mais pour lui, l'ADN de Radio Djiido reste intact : elle est la « voix du peuple kanak ».

Son regard se tourne vers la jeunesse d'aujourd'hui. Les émeutes de mai 2024 lui rappellent les tensions qu’il a connues. Il lance un appel à la nouvelle génération, l'exhortant à « penser pays » et à se servir des outils numériques modernes pour faire évoluer la radio. « Il faut continuer à porter cet héritage », clame-t-il, un mélange de gravité et de conviction dans la voix.

Le témoignage de Joseph Ukako n'est pas une simple anecdote historique. C'est un rappel puissant que derrière chaque fréquence, il y a des combats, des sacrifices et une foi inébranlable dans le pouvoir de la parole. Radio Djiido, ce n'est pas seulement une antenne : c'est un lien qui unit le passé, le présent et l'avenir d'un peuple.